samedi 30 décembre 2017

[L'étagère historique] L'Empire des chimères - Philippe-Aurèle Leroux

292 pages (Editions Le Grimoire – collection Mille saisons) – 4/5


Briana, fille du nouveau proconsul de Rhétie, province isolée des Alpes, se passionne pour l'astronomie. A force d'observer le ciel nocturne, elle s'aperçoit que toutes les étoiles filantes de la région semblent converger vers un lieu unique. Elle n'aura de cesse que d'organiser une expédition pour découvrir ce qui s'y passe.

Elle sera accompagnée par Decimus, vétéran de la légion au charme troublant, qui recevra pour consigne de faire en sorte qu'elle n'arrive jamais à destination.

Leur route croisera celle de Gurnt, jeune guerrier celte en quête des ses origines. A cause de son étrange apparence féline, il est rejeté par les siens.

"Rome trip" initiatique et crépusculaire, l'Empire des Chimères vous mènera des froids sommets des Alpes au cœur bouillonnant du Colisée dans un roman qui mêle action et découverte des sentiments.


« Laisse d’autres poursuivre ces chimères et profite de l’instant : carpe diem ! »


En bref... une lecture que j’ai adorée, dans un univers à la fois singulier et bien fondé, même si l’intrigue m’a parfois déboussolée.


Quelques remarques liminaires : comme toujours, je remercie l’auteur, Philippe-Aurèle Leroux, de m’avoir permis de découvrir son roman, car j’ai pris énormément de plaisir à lire ce livre ! Mais cette fois-ci, je remercie d’autant plus l’auteur qu’il m’a envoyé son livre en format papier ; et cela témoigne d’une certaine confiance en ma capacité à faire honneur à son ouvrage par ma chronique. Ce qui m’en vient à autre chose : je présente mes excuses à l’auteur pour le temps que j’ai mis, non seulement pour commencer ce livre, mais surtout pour chroniquer mon avis une fois celui-ci lu...

Ensuite, pour rentrer peu à peu dans la chronique, je me dois de vous parler de la couverture. Elle est tout simplement splendide ! J’avoue que le titre et elle sont les éléments qui m’ont incitée à en lire le résumé (qui m’a immédiatement intriguée, par l’univers qui semblait être posé). Et, au fil de ma lecture, j’ai pu repérer certains éléments de l’intrigue déjà évoqués sur la couverture, et j’ai trouvé cela très intelligent, soigné et plein de détails et, honnêtement, cela a renforcé mon attrait pour le livre en général. De plus, vous devez savoir que l’intérieur même du livre est embelli : les débuts de chapitre sont accompagnés de jolies arabesques, les fins sont clôturées par un symbole récurrent (et présent sur le tympan du temple en couverture). Et encore en plus, des illustrations ponctuelles en pleine page donnent une transcription visuelle de l’intrigue. Vous l’aurez compris, le travail éditorial est à saluer ! (Si vous souhaitez un aperçu pour mieux comprendre ce que j’ai décrit, envoyez-moi un MP sur Instagram.)

L’univers est assez déroutant, et ce dès le début. Cela est dû à sa grande originalité, mais au fur et à mesure qu’il nous devient familier, on remarque certains éléments, comme le travail de recherche derrière l’univers. L’auteur parvient à créer son propre univers, tout en conservant des rappels à une réalité historique (je pense à la hiérarchie romaine, à la technicité des jeux d’arène). Le contexte historique est bien maîtrisé, il y a de nombreuses références à l’époque romaine (l’histoire se déroule à l’époque de Commode) et cela permet de donner un support bien approfondi à l’intrigue qui s’y déroule.

Au milieu de tout cela, l’intrigue m’a d’emblée semblé étonnante. Le début posé par la quête de Briana, accompagnée de Decimus, vers le Mons Caeli m’a beaucoup plu, et a pris des tournants auxquels je ne m’attendais pas. En parallèle, on découvre un village isolé avec des jeunes hommes se préparant à livrer combat. Et au milieu d’eux, un des personnages, Gurnt, est assez atypique, ayant un visage de lynx. Il faut savoir que les chapitres sont subdivisés en plusieurs points de vue (en fait, trois points de vue dominent la narration) ; donc, évidemment, j’ai attendu avec impatience le moment où tous ces personnages allaient se rencontrer. Ce qui n’a pas manqué de se passer. Mais là encore, je retiens du fil de l’histoire son imprévisibilité : j’ai eu beau me faire des hypothèses sur leur rencontre, sur le développement ultérieur de leurs relations, rien ne s’est produit (à l’exception de la romance).

En effet, survient un moment où l’on détecte des anachronismes. Et cela m’a dérangée au début. Puis, j’ai fini par m’y habituer, même si j’avoue que j’ai préféré la première partie plus traditionnelle (attention, il n’y a pas de séparation clairement marquée, c’est juste la façon dont j’ai ressenti la structure de l’intrigue). Par la suite, le rythme s’accélère, avec davantage d’action, une part de fantastique qui s’installe progressivement (parfois tiré par les cheveux, mais c’est surtout parce que je ne m’attendais pas à en trouver là) mais également beaucoup de révélations (et un peu de confusion par moments, notamment concernant les personnages qui font leur apparition). Au final, ce livre est tout simplement inclassable dans un genre précis, tellement il est atypique : il mêle un dernier genre que je ne vous précise pas, pour vous laisser la surprise (c’est vraiment important pour cette lecture).

J’ai été étonnée de la place prise par une sorte d’autorité suprême, et ce pour tous les personnages : pour certains, il s’agissait du culte de Mithra (dont je n’avais jamais entendu parler avant de lire cet ouvrage), des dieux de la mythologie, ou bien d’une déesse que l’on vient à découvrir. Cela prépare bien à l’issue ; je ne sais pas si c’est intentionnel, en tout cas, cela rappelle bien l’importance du culte dans les civilisations antiques, et c’est très bien pensé.

C’est aussi sur l’évolution de l’intrigue que je dois mentionner le point qui m’a le plu déplu dans ce roman : le déséquilibre de l’intrigue. En effet, à l’issue de ma lecture, et au regard des révélations qui surviennent dans les 50 dernières pages environ, je trouve que la première partie, que j’ai pourtant préférée, trop longue et futile ; aurait-elle été totalement différente que la fin aurait été la même. Certes, cela est également la portée du livre, avec la vision d’une intrigue à double niveau (comprendront ceux qui l’auront lu), mais j’ai donc trouvé le début trop passif : on s’attache à une intrigue qui n’aboutit pas, pour partir sur une autre, qui est en fait l’intrigue principale.

Malgré ce revirement de l’histoire, on conserve les même personnages principaux tout au long du roman, et cela est ce qui permet de redonner un peu de stabilité à ce que j’ai décrit ci-dessus. J’ai été énormément surprise par Gurnt : certes, il est physiquement particulier, mais c’est également, à mon sens, le personnage le mieux développé. Il est plein de nuances, imprévisible et en même temps fidèle à lui-même : il porte en lui une dualité homme-animal que l’intrigue exploite à merveille ; il est mis en valeur par l’histoire et j’ai été la première étonnée en me rendant compte que c’était à lui que je m’étais le plus attachée. J’ai beaucoup aimé le personnage de Briana (mon amour pour les héroïnes romaines, sans doute) : elle donne l’impression d’une patricienne capricieuse et le début ne détrompe pas vraiment le lecteur de cela, même si on sent qu’elle possède d’autres valeurs que la suite va faire jaillir au premier plan (notamment son courage, son altruisme et sa détermination). J’ai trouvé dommage que, en raison de l’intrigue, elle soit un peu reléguée à un personnage secondaire. Enfin, Decimus est un personnage que j’ai aimé dès le début : il semble intègre, et c’est ce qui se maintient jusqu’à la fin ; il joue un rôle actif dans l’intrigue et va être le témoin des événements menant aux révélations. Mais plus l’histoire avance, et plus j’ai eu du mal à le cerner au final, et donc à m’attacher à lui.

Enfin, d’un point de vue plus formel, je dois vous signaler que j’ai beaucoup aimé l’ajout de termes plus ou moins techniques, mais du moins d’époque, en latin. Les titres sont également en latin (reprenant pour la plupart –peut-être tous ?– des adages latins) et traduits en français. Cela permet une immersion totale dans l’intrigue, et j’ai adoré cela. Néanmoins, pour avoir une lecture fluide et faciliter la compréhension, je conseille ce livre pour ceux ayant déjà quelques connaissances préalables du vocabulaire romain ; pour les autres, l’auteur a inséré à la fin de son ouvrage un glossaire, mais je pense que des aller-retour incessant entre l’histoire et les traductions ne permettraient pas d’apprécier totalement la lecture (l’intrigue en elle-même ne nécessite en aucun cas de connaître l’Histoire romaine). Quant au style de l’auteur, pour un premier roman, il est vraiment bon. Les phrases sont certes assez enjolivées, il y a un bon rythme et l’ensemble n’est pas trop lourd.

J’ai donc hautement apprécié ma lecture, même si la fin m’a totalement surprise et laissée perplexe, et je remercie l’auteur de m’avoir permis de découvrir son livre. C’est une lecture dans laquelle il faut se plonger sans attente tellement il y a d’éléments imprévisibles.


Retrouvez l’auteur sur son site !


Et L'Empire des chimères ici :




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